Air France et ses clients : la justice en action

11 mai Air France et ses clients : la justice en action

La compagnie aérienne Air France vient de subir une semaine compliquée devant la justice : elle a été condamnée pour avoir annulé un vol retour après que le vol aller n’a pas été utilisé, et a été épinglée par la Cour de Cassation qui confirme l’illégalité de certaines de ses conditions générales de vente – tout en en validant d’autres.

Le Tribunal d’instance d’Auch était appelé à juger le cas de deux passagers toulousains de la compagnie nationale française, dont les billets d’avion pour le vol retour avaient été annulés en mai 2015 parce qu’ils n’avaient pas effectué le voyage aller prévu entre Toulouse-Blagnac et l’aéroport de Paris-CDG. A l’embarquement à Roissy, Air France leur avait expliqué que les billets étaient annulés puisque le trajet aller n’avait pas été effectué (un « no show ») – les deux plaignants arguant de leur côté qu’ils avaient dû décaler leur date de départ quelques jours plus tôt et n’avaient pas trouvé d’autre vol sur la même compagnie. Ils n’avaient été ni avertis de l’annulation, ni remboursés, et avaient été forcés d’acheter de nouveaux billets. Les passagers, dont l’avocate Stella Bisseuil, ont donc poursuivi pour « pratique abusive » Air France, qui a plaidé l’erreur et proposé une indemnisation. Le tribunal a jugé le 24 avril qu’Air France était coupable, et l’a condamnée au remboursement des billets et à une indemnisation des passagers. Stella Bisseuil a du coup annoncé qu’elle comptait mener une action de groupe à Paris sur le même thème.

Mais ce qui paraît comme une décision de bons sens, du moins pour les passagers, semble aussi en conflit avec une autre décision juridique, venant cette fois de la Cour de Cassation : celle-ci vient de juger légale une clause des Conditions générales de vente (CGV) permettant à Air France de modifier le prix d’un billet comportant plusieurs coupons de vol si le passager n’utilise pas l’un d’entre eux. Selon le jugement de la Cour, il a déjà été jugé que la clause aux termes de laquelle le billet n’est valable que si les coupons sont utilisés dans leur ordre d’émission n’est pas abusive ; que dès lors le refus de transport opposé au voyageur « qui n’a pas utilisé ses coupons de voyage dans leur ordre d’émission, ou qui refuse de s’acquitter du tarif du complément tarifaire correspondant à la différence entre le tarif TTC initialement payé et le tarif TTC qu’il aurait dû payer au moment de l’émission correspondant au voyage effectivement réalisé et des frais de service applicables », ne présente pas de caractère abusif. La clause des CGV (Article III- Billets 3.4 Ordre d’utilisation des Coupons de Vol), jugée illégale en Appel, avait été modifiée en mars 2012 : elle précise que « le tarif appliqué à la date d’émission du Billet n’est valable que pour un Billet utilisé intégralement et dans l’ordre séquentiel des Coupons de Vol, pour le voyage et aux dates indiqués ». La Cour de Cassation a donc débouté UFC-Que Choisir, estimant qu’aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties n’est démontré, puisque les clauses incriminées « ne font que confirmer au voyageur son obligation de respecter un contrat de transport dont les contreparties respectives ont été pesées, une politique tarifaire particulière s’appliquant sous condition de l’utilisation dans un certain ordre des coupons de vol ».

Mais la Cour de Cassation a dans le même jugement estimé que d’autres clauses des CGV d’Air France étaient bien abusives comme l’affirme UFC-Que Choisir. La première porte sur les frais de service : la clause (article III, 3.1, g) et 3.3) fait référence à la facturation de frais de services pour, notamment, l’émission d’un nouveau billet. « Dès lors qu’une telle référence, opérée sans autre précision, laisse au professionnel le pouvoir de déterminer librement les frais en cause, sans que le consommateur ait eu connaissance de règles de principe préalablement fixées et permettant leur fixation », la Cour d’appel (…) a « légalement justifié » sa décision de déclarer cette clause abusive.

Des références au code de la consommation sont aussi utilisées par la Cour de Cassation concernant le remboursement : elle reproche à la Cour d’appel d’avoir « privé de base légale » sa décision trouvant non abusives les clauses interdisant tout remboursement du passager lorsque celui-ci est empêché de poursuivre son voyage pour des raisons de force majeure (articles III.2.c., X.1.e), et X.5.f) ancienne version, et article III.3.2.c nouvelle version), « sans rechercher si ces clauses ne créaient pas un déséquilibre à son détriment » dès lors qu’en cas d’annulation du vol par le transporteur pour des raisons de même nature, celui-ci n’est pas tenu d’indemniser ses clients, la force majeure ne constituant ainsi une cause d’exonération que pour le transporteur, et non pour le passager. Le caractère non–automatique du remboursement des taxes, redevances aéroportuaires et frais de services n’a en revanche pas été qualifié d’abusif, puisqu’il ne signifie par que la compagnie aérienne se soustraira à ses obligations légales de remboursement.

On notera aussi dans le même très long texte de la Cour de Cassation qu’en affirmant que n’était pas abusive la clause par laquelle la société Air France s’exonérait de sa responsabilité de plein droit en cas de défaillance de l’un de ses partenaires dans le cadre de son activité de vente d’un forfait touristique, la Cour d’appel a aussi violé les articles L. 132-1 et R. 132-1, 6° du Code de la consommation.

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